Je marche dans la rue près de chez moi et ce sont des jeunes jouant au ballon qui retiennent mon attention. Parce qu’ils semblent s’amuser ferme au grand air bien sûr, mais aussi parce que les deux équipes sont majoritairement composées de filles. Le gardien est d’ailleurs une gardienne de but. Cette simple image me ramène à mon enfance, alors que je n’avais ni l’assurance ni (encore) l’intérêt de jouer au ballon ou de prendre part à toute autre activité extérieure. Oh comme j’aurais aimé être cette gardienne de but si la fille de plein air que je suis devenue pouvait remonter le temps.
Une fille de plein air, j’en suis devenue une il y a peut-être 10 ans alors que je décidais – sur un coup de tête et pour le travail – de me rendre marcher pendant 9 jours et 200km le long de la partie française du chemin de Compostelle. Aventureuse et assurément un peu naïve, je me suis acheté une paire d’espadrilles (c’est dire à quel point je partais de loin!) et me suis envolée pour la France sans m’être réellement entraînée. Et, au-delà des genoux qui criaient de douleur lors des descentes pendant la deuxième moitié du périple, c’est la surprise du plaisir d’être dehors et de me dépasser qui m’a murmuré que j’avais pris la bonne décision. Car au fond de moi – qui l’eut cru ?! – se cachait une fille qui allait faire du plein air (surtout en voyage, aux quatre coins du monde) l’un de ses dadas.
« Ma fille, que t’est-il arrivé ? » me demande souvent ma maman en riant. Elle qui ne connaissait de moi que la fille écrivaine souvent enfermée dans sa chambre à écouter de la musique en griffonnant et en rêvant (de la suite des choses, de garçons, de voyages!) Je dirais qu’il m’est arrivé la plus belle chose qui soit maman: la réalisation que le bonheur se trouve dehors et lorsque je suis en mouvement. Que mon bonheur réside dans l’équilibre entre mon besoin de l’agitation de la ville et celui du calme des longues marches menant au sommet de montagnes, sur les dunes de déserts ou d’un bout à l’autre de forêts aux sentiers exigeants et forts en leçons de vie.
Si je regrette un peu les années perdues à ne pas avoir su apprécier tout ce qui m’entourait – moi la fille ayant grandi en pleine campagne -, je me rassure en me disant que je me suis merveilleusement bien reprise au fil de la dernière décennie.
De longues randonnées, j’en ai fait au Maroc dans le désert du Sahara, à Terre-Neuve, dans le parc national Snowdonia au pays de Galles, sur des glaciers en Alaska et en Islande, sur des terres pratiquement intouchées du Groenland, du Nunavut et du Labrador, dans des forêts multicolores japonaises, en plongeant dans l’histoire de la République tchèque et de l’Allemagne, sur les chemins des Incas du Pérou, au large du lac Titicaca et dans le désert de sel de Bolivie, sur les cratères fumants du Colorado et du Nicaragua, au pied du mont Kenya, dans les montagnes dorées du Rajasthan, au Vietnam comme ici, au Québec, en défiant le sentier national de la Matawini ou en faisant mien pendant plusieurs jours le parcours de marche au cœur de Mégantic, ce Mini Compostelle québécois traversant les superbes Cantons-de-l’Est.
Ainsi désormais lorsque je croise des fillettes jouant au ballon, comme lorsque je marche en forêt, je souris. Parce que j’ai eu la chance – même « sur le tard », même en vivant dans ma métropole tant rêvée – d’être tombée amoureuse de tous les possibles venant avec la découverte de cette belle nature et de ces grands espaces.
Je vous souhaite tout autant d’amour vécu le visage souriant et caressé doucement par le vent.